Science & Etudes

Le CBD permet-il de soigner la dépendance à la cocaïne ?

L’efficacité du CBD dans la lutte contre la dépendance au THC n’est plus à faire. Certains scientifiques viennent alors à se demander s’il est possible d’avoir le même résultat avec la cocaïne. Un alcanoïde tropanique psychotrope qui s’attaque à l’organisme. Il a notamment un effet dévastateur sur le SNC (Système nerveux central), en compromettant la création de synapses neuronaux. Pour les experts, l’idée est surtout question de vérifier si le CBD peut être d’une aide quelconque, dans les traitements de la dépendance à la cocaïne. Les résultats laissent perplexes : il faut dire que la communauté scientifique est divisée sur le sujet. Certains soutiennent la thèse d’un effet positif du CBD, tandis que d’autres le réfutent en appelant à la prudence.

Un cas d’urgence

jeune femme accro à la cocaine dans une salle de bain

De nombreux observateurs sont à l’affût des résultats à l’issue des études et expériences sur l’interaction entre le CBD et la cocaïne. Rien de plus normal quand la NSDUH (Enquête nationale sur l’usage des drogues et la santé, États-Unis) révèle des chiffres plus qu’alarmants. Son étude datant de 2014 fait effectivement état de 1,5 million de consommateurs de cocaïne aux États-Unis. Pire encore, la SAMHSA (Substance Abuse and Mental Health Services Administration) révèle, à l’issue d’une enquête menée en 2019, que cette frange de population s’élevait déjà à environ 1,9 million de personnes en 2016. La même étude estime aussi à près de 500 000, le nombre d’adeptes de crack (variante cristalline de cocaïne).

Une étude CBD sur des rats accros à la cocaïne

Les recherches menées par l’équipe du Scripps Research Institute s’avèrent très prometteuses, en ce qui concerne l’interaction entre le CBD et la cocaïne. Friedbert Weiss et Gustavo Gonzalez-Cuevas, les deux meneurs se sont fixés un double objectif. D’une part, il s’agit d’établir l’effet du CBD dans la réduction du manque. D’autre part, l’idée est de découvrir si la molécule peut être d’une grande aide dans le traitement de la dépendance.

L’étude en question relève du domaine de la neuro-psychopharmacologie. Elle porte sur le comportement de rats accros à la cocaïne, durant la phase de manque. Pour décupler cette sensation, les rongeurs ont été soumis à des stimuli environnementaux liés à la drogue. L’on parle notamment de situation stressante, rehaussée d’une atmosphère anxiogène. En revanche, les rats ont été enduits légèrement de gel CBD.

Pour avoir des résultats concrets, les chercheurs se sont adonnés à quelques heures d’observation par jour, durant toute une semaine. Ils ont alors pu établir l’action du CBD sur les récepteurs de la sérotonine du cerveau. Concrètement, la molécule ont réduit les sensations de stress et d’anxiété chez les rats « toxicomanes ». Ils ont ainsi pu résister aux symptômes de manque (irritabilité, impulsivité, nausée…). Une sorte d’« invincibilité » qui a d’ailleurs perduré durant environ cinq mois : les rats ne montrent aucun signe de manque, avec un risque de rechute quasi-nul. Friedbert Weiss parle d’« une preuve de principe soutenant le potentiel du CBD dans la prévention des rechutes ». Il attribue à la molécule des effets plus concluants que ceux des méthodes de traitement de la dépendance classiques.

Néanmoins, les deux scientifiques et leur équipe respective conviennent d’apporter une nuance sur un point essentiel. Celui-ci porte sur la nécessité de mener des essais cliniques et études sur des sujets humains, afin d’évaluer le réel potentiel du CBD dans les soins de l’accoutumance à la cocaïne.

Des éléments prometteurs, à défaut d’être légion

Il faut dire qu’à l’heure actuelle, les essais cliniques CBD sur des sujets humains manquent cruellement. Ceux déjà menés ont néanmoins donné des résultats prometteurs. Ils cristallisent les bienfaits du cannabidiol, dans le traitement des troubles relatifs à la prise de cocaïne. Parmi eux, on note les symptômes de manque, l’impulsivité, ou encore la paranoïa. La molécule atténuerait même la toxicité de cette drogue dure : Le sujet ayant pris du CBD devient peu enclin à prendre sa dose.

chimiste et cocaine

Une publication de la National Library of Medicine des National Institutes of Health (États-Unis) en date de 2006, afflue dans ce sens. Elle va même plus loin, en attribuant au CBD un impact positif à plus long termes, sur des sujets accros à la cocaïne. En effet, la molécule agirait sur le système nerveux, en rehaussant le seuil d’auto-stimulation. Les circuits de récompense voient leur réactivité amoindrie, par rapport à la recherche de drogue. Mieux, le sujet a moins de sensations de vulnérabilité, moins anxieux et plus apaisé. Le CBD se voit ainsi attribuer un rôle majeur dans la destruction du mécanisme neurobiologique lié à la toxicomanie.

Dans cette même publication, on apprend aussi que le CBD agit aussi sur l’ECS (système endocannabinoïde). La molécule atténue ainsi la toxicité de la cocaïne sur certains organes comme le foie, lequel est enveloppé par des récepteurs endocannabinoïdes. On parle ici du rôle hépatoprotecteur du CBD, ce qui lui permet aussi de diminuer les risques de convulsion associés au manque de cocaïne. Néanmoins, pour parvenir à l’effet escompté, le bon dosage de CBD est indispensable.

CBD-Cocaïne : La nuance est de mise…

Peter Grinspoon, professeur de médecine à la Harvard Medical School, appelle à la prudence, malgré ces résultats en faveur du CBD. Dans un article, il attire notamment l’attention sur les risques associés à la molécule. La moindre erreur dans le dosage serait une porte ouverte aux effets secondaires (nausée, fatigue, irritabilité…). Ce cas de figure n’exclut pas non plus une hausse anormale du taux d’anticoagulants, tel que le Coumadin.

Les alertes lancées par le professeur Grinspoon prennent tout leur sens, au vu des modes de diffusion du CBD. En effet, certains utilisateurs prennent la molécule en tant que complément alimentaire. Un domaine qui n’est pas du ressort de la FDA (Food and Drug Administration), ce qui exclut toute forme de contrôle de dosage. Cette entité réitère d’ailleurs sa mise en garde, quant à toute utilisation du CBD durant la grossesse et l’allaitement.

Dans son article, Peter Grinspoon met égalemente le CBD sous la bannière « médecine alternative ». Il recommande donc la consultation d’un professionnel de santé agréé, en ce qui concerne l’utilisation du CBD dans le traitement de la dépendance à la cocaïne. Cet expert déconseille surtout l’association des deux molécules. Un exercice périlleux qui est susceptible de se solder par une overdose de cocaïne. Le mieux est donc d’éviter l’utilisation du CBD avec n’importe quel stimulant, sauf sur prescription médicale.

Une équipe de scientifique canadienne plus catégorique

Des chercheurs du Centre hospitalier de l’Université de Montréal ne font pas dans la demi-mesure, quand il s’agit de réfuter l’effet du CBD dans le traitement de l’accoutumance à la cocaïne. Ils parlent carrément de vertus thérapeutiques inexistantes

Ces scientifiques ont en effet mené un essai clinique sur 78 toxicomanes, avec une moyenne d’âge de 46 ans. Ils sont en proie à des troubles liés à l’utilisation de la cocaïne. Les chercheurs les ont répartis sur deux groupes. Ils ont administré 800 mg de CBD par jour aux membres du premier groupe. Le second a été traité au placebo. Après dix jours, tous les sujets ont pu regagner leur domicile et se sont vus recommander des contrôles hebdomadaires, sur une durée de trois mois.

min de femme posée sur une boite de placebo

Les résultats de cette étude ont été publiés dans la revue Addiction. Ils révèlent la quasi-inexistence d’effet du CBD dans la réduction de la dépendance à la cocaïne. Aucun élément n’a pas non plus montré la moindre action destinée à réduire le risque de rechute. Violaine Mongeau-Pérusse, un des auteurs de l’étude explique :

« Dans notre étude, l’utilisation du CBD n’était pas plus efficace qu’un placebo dans le traitement des troubles liés à la consommation de cocaïne. Bien qu’il soit sûr et ne produise que des effets secondaires légers, le CBD ne réduit ni l’envie de consommer de la cocaïne ni le risque de rechute après une désintoxication ».

En conclusion, les études et essais cliniques CBD sur des sujets accros à la cocaïne sont encore à leur balbutiement. La NIDA (Institut national de l’abus des drogues) affirme d’ailleurs l’inexistence, à l’heure actuelle, de médicament approuvé pour traiter la dépendance à cette drogue. En attendant, ses effets agréables à court terme ne cessent de faire de nouveaux adeptes. L’ONUDC (Office des Nations unies contre les drogues et le crime) fait état d’environ 18 millions de consommateurs de cocaïne à travers le monde, pour l’année 2019. L’abus de cette drogue accède au rang d’un phénomène mondial. Pour ne rien arranger, l’univers du sport recourt massivement à cette drogue dure. On lui associe surtout des vertus améliorant les performances. De même, certains utilisateurs lambda s’en servent pour contrôler l’appétit, ou pour perdre du poids.

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