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La prohibition des drogues ne fonctionne pas

Drogues : l'alerte de l'addictologue Bertrand Leibovici sur les dangers de la prohibition

Le professeur Bertrand Leibovici, spécialiste de l’addictologie, a publié un nouvel ouvrage intitulé « Drogues : la longue marche ». Il a mis en garde contre les conséquences négatives de la prohibition des drogues sur nos démocraties. Cet article revient sur les propositions du Conseil économique, social et environnemental (CESE) en faveur d’une remise interdite du cannabis récréatif.

Les politiques publiques en matière de drogues inefficaces selon le CESE

Le Conseil économique social et environnemental (CESE) a récemment déclaré l’inefficacité des politiques françaises en matière de cannabis. Selon le vice-président de cet organe consultatif, Jean-François Naton, la politique suivie depuis cinquante ans en France est un « échec cuisant » en termes de santé publique. Le CESE préconise ainsi une légalisation encadrée du cannabis récréatif dans un projet d’avis soumis au vote et adopté le 24 janvier 2022.

Le gouvernement face à la proposition de légalisation encadrée

Le gouvernement pourrait-il suivre les recommandations du CESE ? L’auteur de l’ouvrage « Drogues : la longue marche », Bertrand Leibovici, estime que cela est peu probable étant donné la position de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca) et du ministère de l’ Intérieur sur le cannabidiol (CBD), la molécule non psychotrope du cannabis. Cependant, il reste optimiste quant à une éventuelle légalisation du cannabis récréatif qui pourrait selon lui au gouvernement de se réconcilier avec la jeunesse.

Bertrand Leibovici, militant de la réduction des risques liés à l’usage des drogues

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Bertrand Leibovici est un praticien français engagé depuis les années 1990 dans la lutte pour la réduction des risques liés à l’usage des drogues. Il estime que la prohibition des drogues nuit à nos démocraties en renforçant le marché noir et en alimentant la violence et la corruption dans nos sociétés. Son livre « Drogues : la longue marche » met en avant l’importance de changer les politiques publiques en matière de drogues pour s’attaquer aux causes sous-jacentes de la consommation de drogues et protéger les droits de l’homme et les libertés individuelles .

La prohibition en échec selon Bertrand Leibovici

Le docteur Bertrand Leibovici, ancien clinicien à l’hôpital Paul-Brousse qui retrace l’histoire des drogues, de l’alcool aux opioïdes en passant par le cannabis et les molécules psychédéliques . L’ouvrage est également une critique acerbe de la prohibition punitive qui, selon le psychiatre Amine Benyamina, met en danger nos démocraties.

Leibovici déplore le fait que les arguments des partisans et des adversaires de la prohibition n’aient pas beaucoup évolué au cours du siècle dernier. Alors que la situation s’est transformée, la culture de la prohibition est devenue une nature qui a des conséquences dramatiques. Lors de l’épidémie de sida, par exemple, les autorités ont tardé à remettre les seringues en vente libre, ce qui a évacué la dissémination du virus parmi les injecteurs de drogue.

Une réforme profonde des politiques anti-drogues

Le docteur estime qu’une réforme profonde des politiques publiques anti-drogues est nécessaire pour éviter la formation de puissantes mafias mondiales. La prohibition a en effet favorisé la corruption et le crime organisé et a eu des répercussions sur la santé publique, en particulier chez les jeunes. Les cartels mexicains de la cocaïne visent désormais le marché européen et y importent leurs méthodes ultraviolentes, au point que le Premier ministre néerlandais Mark Rutte a dû renforcer sa protection policière. En outre, le port d’Anvers en Belgique est devenu la principale porte d’entrée de la drogue sur le Vieux Continent, et les forces de l’ordre ont découvert en Serbie des hachoirs industriels ayant servi à déchiqueter des corps humains avant de jeter leurs restes dans le Danube.

Bertrand Leibovici appelle à un réexamen raisonné des politiques de drogue

L’addictologue, ne prône pas une remise générale des substances éprouvées comme des stupéfiants. Toutefois, il plaide en faveur d’un réexamen raisonné des politiques de drogue, au cas par cas. Selon lui, la remise du cannabis dans certains pays, tels que l’État du Colorado, a été un succès. Bien que les rêves de certains, tels que la baisse de la consommation d’alcool, ne se soient pas réalisés, les cauchemars prédits par d’autres, tels que l’aggravation des hospitalisations psychiatriques ou la multiplication des accidents de la route, ne se sont pas non plus produits.

Les pays ayant libéralisé le cannabis ne reviendront pas en arrière

Selon Bertrand Leibovici, aucun des quinze pays ou États dans le monde qui ont libéralisé le cannabis pour un usage récréatif ne prévoit actuellement de revenir en arrière. Le Conseil économique, social et environnemental (Cese) de France préconise de s’inspirer des modèles de légalisation en vigueur dans des pays tels que le Canada, Malte et l’Allemagne, pour autoriser interdit la production, la distribution et la consommation du cannabis , via des points de vente légaux soumis à licence et interdits aux mineurs.

Le cannabis reste la drogue illicite la plus déposée en France

Le cannabis est la drogue illicite la plus consommée en France, selon une étude de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT).

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La classification des drogues doit être révisée

L’addictologue estime que la classification des drogues selon les tableaux des conventions de 1961 et 1971 des Nations unies est complètement dépassée. Les critères de classification, tels que la dangerosité, le caractère addictif et l’intérêt thérapeutique, doivent être révisés, substance par substance. Le neuro-psycho-pharmacologue David Nutt a été démis de ses fonctions en 2009 pour avoir déclaré, des études scientifiques à l’appui, que l’alcool et le tabac étaient plus dangereux que de nombreuses drogues illicites.

Les psychédéliques peuvent avoir des effets bénéfiques pour la santé mentale

Au cours des dix dernières années, les substances psychédéliques ont fait l’objet de recherches en tant que traitements prometteurs pour la santé mentale. Des études cliniques testent des thérapies assistées par la MDMA (ecstasy) pour lutter contre le stress post-traumatique et des protocoles à la psilocybine (champignons hallucinogènes) pour combattre les dépressions résistantes, avec des résultats encourageants. L’Oregon a ouvert ses premières cliniques de thérapies à la psilocybine, et une dizaine d’États américains lui emboîtent le pas. Bertrand Leibovici estime qu’il y aurait une certaine logique à ce que les psychédéliques suivent le même chemin que le cannabis. Cependant, il souligne que cela doit se faire de manière réduite et sous surveillance médicale, en évitant les dérives et les risques d’abus.

En France, la réglementation autour des psychédéliques est particulièrement restrictive. La psilocybine, par exemple, est classée comme stupéfiante de la même manière que l’héroïne et la cocaïne. Cette classification ne prend pas en compte les résultats prometteurs de la recherche sur l’utilisation de ces substances en thérapie.

Leibovici plaide pour une approche plus pragmatique, qui considère les drogues comme des outils à utiliser dans un contexte médical ou thérapeutique. Il recommande également une approche plus efficace sur la réduction des risques, qui vise à minimiser les dangers liés à la consommation de préférence qu’à les éliminer complètement.

En somme, pour Bertrand Leibovici, la question de la réglementation des drogues ne peut plus être induite de manière idéologique. Il faut prendre en compte les évolutions scientifiques et médicales, ainsi que les réalités sociales et économiques. Une approche raisonnée, qui examine chaque substance au cas par cas, est nécessaire pour mettre en place une réglementation juste et efficace.

 

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