CBD : Vers une légalisation totale du cannabidiol en France ?

Un récent rapport parlementaire revendique l’assouplissement des législations sur le CBD en France. Ses auteurs estiment que cette molécule est « la victime collatérale de l’approche essentiellement sécuritaire du cannabis ». Ils dénoncent surtout une tendance à l’assimiler au THC, molécule psychotrope conférant un caractère « stupéfiant » au cannabis. Les signataires font ici allusion à l’arrêté de 1990 sur les stupéfiants. Une loi qui stipule l’interdiction de toute exploitations des fleurs et des feuilles de la plante. Pourtant, ces deux éléments renferment également du CBD, auquel on attribue l’appellation « cannabis bien-être ». Dans ce mouvement, un certain Ludovic Mendes est sur tous les fronts. Il souhaite surtout que la Mildeca abonde « dans le bon sens », à l’issue de l’analyse de l’arrêté de la CJUE.
Deux propositions phares du rapport parlementaire sur le CBD
Publié le 10 février, un rapport parlementaire prône un desserrement de vis sur le CBD. Des députés de tous bords ont participé à la rédaction. On peut y lire toute une multitude d’auditions menées depuis le tout début de l’année 2020. En tout, cette mission d’information parlementaire présente une vingtaine de propositions. Parmi elles figure une exploitation plus poussée du chanvre, ainsi que la suppression pure et simple du taux de THC à 0 %.
Exploitation intégrale de la plante de chanvre
Dans leur rapport, les députés suggèrent « expressément » la libre exploitation du CBD. Ils aspirent notamment à :
« L’autorisation de la culture, de l’importation, de l’exportation et de l’utilisation de toutes les parties de la plante de chanvre à des fins industrielles et commerciales, y compris la fleur ».
En effet, à l’heure actuelle, l’exploitation se trouve cantonnée aux fibres et aux graines. La fleur est exclue à cause de sa forte teneur en THC, notamment sur certaines variétés. On a alors tendance à ignorer qu’elle contient aussi du CBD (cannabidiol), reconnue notamment pour ses effets relaxants.
Evolution des taux de THC
La suppression du taux à 0 % de THC dans les produits finis forme aussi une des propositions majeures dans le rapport parlementaire. Un autre taux, « idéalement de 0,6 % », est prôné par les signataires, en ce qui concerne les cultures de chanvre. Ils estiment même raisonnable de le rehausser jusqu’à 1 % dans les DOM-TOM sujets à des climats chauds. Leur objectif affiché est de mettre la lumière sur le caractère dépassé des législations françaises : la France est quasiment le seul pays de l’Union à imposer un taux de THC inférieur à 0,2 %, pour la culture et la commercialisation des fibres et graines de chanvre.
Ludovic Mendès, figure de proue du mouvement
Ludovic Mendès compte parmi les rapporteurs du texte sur le CBD. Ce député LREM de la Moselle ne manque pas d’arguments pour promouvoir la molécule :
« Cela a quelques effets relaxants, de détente, d’antistress. C’est même conseillé pour des personnes qui ont certaines maladies, même si on est vraiment sur du bien-être et pas de la thérapeutique ».
Des boutiques CBD menacées
L’élu de la Moselle déplore aussi des boutiques CBD françaises sur la sellette. En effet, le spectre des poursuite plane sur elles. Leur étalage ne peut présenter que des « produits de synthèse, fabriqués en laboratoire ». Ces boutiques doivent se résoudre à importer les fleurs CBD de l’étranger. De même, la loi en vigueur interdit toute exploitation, production et consommation de produits issus de la plante de chanvre et de cannabis. A titre informatif, la France compte actuellement dans les 400 boutiques CBD. Un nombre qui s’est multiplié par quatre, en l’espace de deux ans, selon le SPC (Syndicat professionnel du chanvre).
Développer un marché potentiellement juteux
Ludovic Mendès attire aussi l’attention sur le potentiel du marché du CBD. Il prône la levée des freins susceptibles de compromettre le développement économique du secteur. Ce député LREM rappelle aussi la pole position de la France dans l’UE, en termes de production de chanvre industriel. Une raison de plus de mettre en place une filière CBD :
« On a un véritable savoir-faire en France. On a dans nos champs de chanvre, des têtes, des fleurs, que les agriculteurs ne peuvent absolument pas utiliser, alors que ce serait intéressant financièrement et qu’on a une filière complète capable de travailler ce produit ».
En d’autres termes, la France passe à côté d’un marché potentiellement juteux. Des études estiment que la filière (production et transformation) pourrait peser jusqu’à 3 milliards d’euros. Mieux, monsieur Mendès associe la création d’emplois au CBD :
« Je rencontre beaucoup de chefs d’entreprises français qui exportent dans le monde entier, avec une véritable reconnaissance sur la qualité de leurs produits : des huiles, des crèmes, des tisanes, des compléments alimentaires, des cosmétiques… et qui ne peuvent pas acheter leur matière première en France ».
A noter qu’en France, la production de chanvre est destinée pour l’heure aux seuls domaines du textile et du bâtiment.
La France dans le rôle du mauvais élève
Dans son argumentation, Ludovic Mendès n’a pas pu s’empêcher de faire allusion à l’arrêté du CJUE (Cour de justice de l’Union européenne) sur le CBD. En date du 19 novembre 2020, celui-ci a effectivement qualifié la France de « hors-la-loi par rapport à la réglementation de l’UE ». Une considération qui fait référence à des législations entravant la libre circulation des marchandises. La CJUE exhorte ainsi la France à les faire évoluer, notamment en l’absence de risque « suffisamment établi » pour la santé publique. Dans son arrêté, elle insiste d’ailleurs sur le caractère non-psychotrope du CBD. La molécule ne peut ainsi être assimilée, ni à un stupéfiant, et encore moins à un médicament.
Législations sur le CBD : Une démarche en trois phases
Ce rapport parlementaire sur le CBD est le second d’une série de trois. En effet, il fait écho à un autre rapport dédié au cannabis thérapeutique. Un troisième prévu pour le mois de mars 2021 devrait, quant à lui, porter sur le cannabis récréatif. Ludovic Mendes justifie ce mode opératoire :
« Nous avons fait le choix de diviser le dossier en trois parties, car sinon tout le monde se serait concentré sur le sujet du cannabis récréatif. Il faut rassurer la technocratie ».
Le député LREM de la Moselle profite de l’occasion pour déplorer la timide avancée du lobby du cannabis. Une situation anormale, dans la mesure où les investisseurs visent surtout le marché du cannabis récréatif. Ce volet se voit effectivement prêter un avenir radieux, pour peu que la France légalise la molécule THC. Quoi qu’il en soit, le député Mendes se désole d’un branle-bas de combat qui n’a pas lieu d’être :
« La France est le seul pays d’Europe, où se déroule un processus parlementaire ».
Des propos qui sont confirmés par Jean-Baptiste Moreau, député LREM de la Creuse et signataire du rapport :
« La France est l’un des derniers pays européens à ne pas avoir bougé. C’est totalement incompréhensible puisque c’est reconnu officiellement par l’OMS : le CBD n’est pas une drogue ».
Que va décider la Mildeca ?

Selon les députés, la Mildeca (Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives) va peser sur l’issue de ce rapport parlementaire sur le CBD. Elle est effectivement en charge d’analyser « les modalités de prise en compte du jugement de la CJUE ». Ludovic Mendès rappelle des points de divergence de cette entité par rapport au rapport parlementaire. Parmi eux, il cite l’exploitation de la fleur de chanvre, ainsi que la revalorisation des taux de THC.
Ainsi, le député LREM attire l’attention de la Mildeca sur les menaces contre la « liberté entreprendre ». Pour autant, il n’a nulle intention de bousculer les choses :
« Le problème n’est pas qu’elle [la Mildeca] bouge rapidement mais qu’elle bouge dans le bon sens ».
En conclusion, les parlementaires se montrent très actifs, en ce qui concerne les législations sur le CBD. Il faut dire qu’ils tentent de faire bouger la ligne rapidement. En effet, ce dernier rapport a déjà été prévu pour fin 2020. Le décalage s’explique par l’arrêté de la CJUE de mi-novembre. Celui-ci est intervenu à la suite de l’inculpation de deux entrepreneurs marseillais. Pour rappel, ils ont mis en vente des e-cigarettes aux cannabinoïdes estampillées Kanavape. Dans sa décision, la CJUE a reproché à la France ses lois interdisant la commercialisation de produits CBD, alors que ceux-ci sont conçus légalement dans un autre pays membre de l’Union européenne. Enfin, pour éviter les litiges de ce genre, les députés prônent aussi la « sécurité totale » des consommateurs de CBD.