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Thaïlande : Analyse de la légalisation de la marijuana

La légalisation rapide de la marijuana en Thaïlande a entraîné des conséquences négatives imprévues. Ceci est dû à l’absence de mécanismes de contrôle pour lutter contre le trafic illégal et à l’utilisation abusive de ces substances. Découvrez dans cet article une analyse complète sur le sujet.

La légalisation de la marijuana en Thaïlande

Depuis le 9 juin 2022, la marijuana et le chanvre contenant moins de 0,2 % de THC ne sont plus considérés comme des stupéfiants en Thaïlande. En effet, ils sont désormais définis comme des « herbes contrôlées » réglementées par la loi de 1999 sur la protection et la promotion de la médecine traditionnelle thaïlandaise. Il faut savoir que le ministre de la Santé publique détermine les herbes considérées comme contrôlées et les règles d’utilisation en médecine traditionnelle.

D’où vient la confusion sur la marijuana en Thaïlande ?

Si le statut de la marijuana a été clairement défini lors de la légalisation, il y a eu une grande confusion autour de cette plante. La confusion concernant la légalisation de la marijuana en Thaïlande a été largement alimentée par la campagne du parti Bhumjaithai (BJT) pour la « marijuana gratuite » (กัญชาเสรี, « ganja seri ») avant les élections générales de mars 2019.

Le chef du BJT, Anutin Charnvirakul, qui est maintenant vice-premier ministre et ministre de la Santé publique, a été vu dans une vidéo qui vantait les avantages de la marijuana légalisée. Dans cette vidéo, il fumait de la marijuana pour les loisirs à la maison.

Certes, lors d’un débat de censure à la Chambre des représentants en juillet 2022, il a présenté ses excuses pour avoir « plaisanté » sur l’utilisation récréative de la marijuana, affirmant qu’il ne la préconise pas. Cependant, les ambiguïtés persistantes sur la « marijuana gratuite » restent une menace pour la santé publique en Thaïlande. Il est important de noter que marijuana et chanvre sont des choses différentes, la marijuana contenant plus de THC psychoactifs que le chanvre, qui est largement utilisé dans l’industrie pour ses fibres.

Thaïlande: promotion de la marijuana

Les risques de la légalisation de la marijuana en Thaïlande

La légalisation de la marijuana et du chanvre en Thaïlande, qui a été approuvée récemment, menace de perturber les efforts de l’ASEAN. En effet, cette organisation veut créer une communauté « sans drogue ». Les neuf autres membres de l’ASEAN considèrent toujours la marijuana comme un stupéfiant illégal.

En outre, l’absence de mécanismes de contrôle pour la « marijuana gratuite » en Thaïlande peut même violer les conventions des Nations Unies sur le contrôle des stupéfiants auxquelles la Thaïlande a adhéré pour protéger la santé et le bien-être de l’humanité.

Le souci avec l’ASEAN

La Thaïlande a récemment adopté sa propre voie en légalisant la marijuana, alors que les neuf autres membres de l’ASEAN continuent de considérer la marijuana comme une substance illicite qu’ils cherchent à éliminer de la communauté de l’ASEAN pour devenir « sans drogue ». Il n’est pas encore clair sur comment les membres de l’ASEAN vont résoudre cette divergence.

Pour l’instant, l’administration Prayut semble axée sur la mise en place des mesures de contrôle nécessaires pour la marijuana et le chanvre au niveau national. Les engagements régionaux pour soutenir la création d’une ASEAN sans drogue et les engagements internationaux pour protéger « la santé et le bien-être de l’humanité » en vertu de la Convention unique sur les stupéfiants des Nations unies devront être mis de côté.

La convention unique sur les stupéfiants et la Thaïlande

Il faut savoir que la Thaïlande a ratifié la Convention unique sur les stupéfiants de 1961 le 24 juillet 1961. Puis, elle a signé la Convention sur les substances psychotropes de 1971 le 31 octobre 1961. Enfin, elle a aussi signé la Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes de 1988 le 21 novembre 1975 et le 3 mai 2002 respectivement.

La Convention unique de 1961 considère les plantes de cannabis comme des stupéfiants inscrits aux Tableaux I et IV. Si un pays autorise la culture de ces plantes, l’article 28 de la Convention unique oblige ce pays à mettre en place un système de contrôle comme pour le pavot à opium. De ce fait, le pays doit créer une agence nationale pour réglementer la culture, désigner les zones de culture, délivrer des licences aux cultivateurs et permettre l’achat de plants uniquement auprès de cultivateurs agréés. Cette agence nationale est également responsable de l’importation, de l’exportation, de la vente en gros et de la gestion des stocks. Cependant, après la légalisation de la marijuana, la Thaïlande n’a pas encore cette agence de réglementation.

Une totale liberté

Suite à la légalisation de la marijuana, toutes les personnes condamnées pour des infractions liées à cette substance ont été immédiatement libérées. Le 9 juin 2022, 3 071 personnes condamnées pour des infractions liées à la marijuana ont été libérées. Toutes les affaires en cours liées à la marijuana devant les tribunaux ou faisant l’objet d’une enquête policière ont été abandonnées, et la confiscation de marijuana n’est plus possible. Les propriétaires de marijuana et de biens confisqués lors d’arrestations avant le 9 juin 2022 peuvent demander leur restitution.

En Thaïlande, les citoyens âgés de 20 ans ou plus peuvent légalement posséder, utiliser, cultiver, transporter et vendre de la marijuana. Les personnes qui ont besoin de cannabis pour le traitement de certaines maladies peuvent avoir en possession de « l’herbe contrôlée » ou de sa résine pour une durée de 30 jours pour leurs besoins médicaux. De même, tous les Thaïlandais peuvent cultiver librement de la marijuana et du chanvre à des fins personnelles et médicinales sans avoir besoin d’un permis de culture, à l’exception de l’enregistrement auprès de la FDA du ministère de la Santé publique via l’application « Plook Ganja ».

Il est à noter que la marijuana est désormais disponible dans divers produits alimentaires, comme les glaces, les biscuits, les boissons, les plantes médicinales, les onguents et les cosmétiques sur les marchés thaïlandais et les plateformes en ligne. De plus, ces produits sont vendus parfois sans avertissement clair ni informations sur ses éventuels effets secondaires indésirables. Ce marché trop libéral peut être considéré comme une incitation à consommer.

Thaïlande: produits alimentaires à la marijuana

Des solutions pour redresser la situation en Thaïlande

Cette situation confuse et dangereuse a alarmé de nombreuses organisations, dont le Thai Medical Council et même le gouvernement. Ainsi, ils ont proposé des solutions pour redresser la situation en Thaïlande.

La solution du TMC

La légalisation de la marijuana en Thaïlande a causé une situation confuse et dangereuse. Le Thai Medical Council (TMC) s’est alarmé et a dû mobiliser ses membres pour informer le public des risques liés à cette substance et s’opposer à toute utilisation récréative.

Le TMC a également émis des propositions pour la politique de marijuana en Thaïlande et a maintenu son opposition à l’utilisation récréative tout en soutenant une utilisation prudente pour des fins médicales.

La solution des organismes bouddhistes

Les organisations bouddhistes, islamiques et chrétiennes de Thaïlande ont aussi apporté quelques pierres à l’édifice. Elles ont toutes exprimé leur opposition à la « marijuana gratuite » et ont mis en garde leurs membres contre son utilisation.

La solution du gouvernement

Les ministères de l’Éducation, de l’Intérieur et de la Défense en Thaïlande ont respectivement interdit la marijuana et le chanvre dans les écoles, les bureaux gouvernementaux et les zones militaires. Face à la croissance inquiétante de l’utilisation abusive de la « marijuana gratuite », le ministre de la Santé publique, Anutin, a publié le 11 novembre 2022 un nouveau règlement pour réglementer les bourgeons et les fleurs de marijuana, qui ont tendance à contenir un pourcentage élevé de THC, la substance psychoactive.

Afin de mieux protéger la population, un projet de loi pour réviser la législation sur la marijuana est en cours en Thaïlande. Ce projet a passé une deuxième lecture le 14 décembre 2022. On en saura davantage sur l’issu de ce projet de loi en fin février 2023. Dans tous les cas, si celui-ci n’est pas adopté, le chef du BJT veut continuer de mettre en avant la légalisation de la marijuana. Selon lui, les dispositions pour contrôler le produit ont déjà été mises en place. Cependant, il n’est pas contre l’ajout d’autres mesures qui pourraient combler les lacunes.

Des problèmes non résolus liés à la légalisation de la marijuana en Thaïlande

Cependant, des problèmes restent non résolus en Thaïlande. Il s’agit notamment de la protection des enfants contre l’utilisation de la marijuana cultivée à la maison, qui est une violation de l’article 33 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant. Il y a également des difficultés à déterminer la quantité de THC contenue dans les cultures de marijuana ou les aliments, et les kits de test disponibles peuvent être coûteux, avec des frais de test de laboratoire élevés.

De même, les autorités de police et routières en Thaïlande ne disposent pas actuellement de moyens pour identifier sur place si un conducteur impliqué dans un accident est sous l’emprise de THC. Les touristes étrangers fumant de la marijuana en Thaïlande ou transportant des produits dérivés de la marijuana à leur retour risquent d’être arrêtés, malgré la légalité de ces produits dans le pays.

Pour conclure, la légalisation de la marijuana en Thaïlande qui est survenue en 2022, a entraîné des conséquences imprévues. La confusion et la désinformation sur l’utilisation de la marijuana, ainsi que des problèmes de santé publique en sont les résultats. Il y a eu également des inquiétudes à propos de l’effet de la légalisation sur les efforts régionaux de l’ASEAN pour créer une communauté « sans drogue ». Il reste encore des incertitudes sur la manière dont la Thaïlande va gérer les conséquences de la légalisation de la marijuana, notamment les questions liées à la santé publique et les engagements internationaux.

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