
Dans ce nouvel épisode de la saison 2, Xavier Saïz nous fait un grand honneur en nous accordant cette interview exclusive. Il est secrétaire au Syndicat professionnel du Chanvre, et aussi fondateur de Cannatracking. Pour vous mettre la puce à l’oreille, Cannatracking est une solution de paiement numérique et de traçabilité du cannabis bien-être via la blockchain. C’est une filière qui manque effectivement de traçabilité et de transparence. Cette solution tombe à pique, surtout que la blockchain a été créée pour ça. Suivez le podcast pour en apprendre plus sur le sujet.
Qui es-tu?
Je m’appelle Xavier Saïz, marié et papa de deux enfants. Je suis un ancien de la traçabilité, avec à peu près une dizaine d’expériences dans le domaine. J’ai travaillé avec 80% des sociétés du CAC 40. Ça peut aller de la traçabilité des simples colis aux flux numériques, en passant par les courriers. Mais à l’époque, tout n’était pas lié à la blockchain. C’était plus de la traçabilité version old school. Mais les protocoles de la blockchain et des bitcoins, c’est une vieille technologie que nous sommes en train de remettre au goût du jour. Tout le monde en parle mais personne ne sait ce qui se passe réellement derrière le rideau. On peut utiliser la blockchain sur plein de choses, comme les votes, les assurances, les actes notariés, les contrats complexes ou les produits financiers.
Côté vie perso, j’ai eu une connexion forte avec le cannabis par ma maman qui souffrait d’une sclérose en plaque. Les médecins lui avaient prescrit du Betaferon. On avait entendu dire qu’il y avait des risques de cancer avec ce médicament. Coup du sort, elle a eu trois cancers. Le plus énervant, c’est qu’aux Etats Unis, on parlait déjà de soulager les patients comme elle au cannabis. Mais quand nous l’avons proposé aux médecins, ils nous ont regardé de haut.
Moi-même je suis atteint d’une méningite bactérienne. Mais ma dernière crise d’épilepsie remonte à plus de 15 ans au Cambodge. Depuis que j’ai utilisé des dérivés de cannabis, plus aucune crise! Je l’ai fait un peu en mode hors la loi, mais c’était pour me soulager. C’est comme ça qu’est née l’idée de la blockchain. L’idée, c’est de vouloir tout inscrire dans le marbre, d’avoir une information décentralisée et d’éviter les organisations en silo.

Pourquoi penses-tu que la blockchain est adaptable à la traçabilité?
La blockchain est comme un livre ouvert. Tout est transparent et auditable par un tiers. C’est donc vérifiable par tout le monde. Après, on ne va pas se mentir, il y a des bons et des mauvais côtés. Par exemple, le bitcoin équivaut à la consommation énergétique de plus de 70 pays. Mais nous avons choisi une technologie moins énergivore. Nous avons choisi la plateforme Waves, et nous sommes en hard forks et en Puff of Stake pour réduire notre empreinte énergétique. En plus, nous avons mis en place une solution 100% made in France. Nous avons fini d’externaliser. Tous nos développeurs sont désormais Français. La question énergétique est problématique parce que la transparence c’est bien, le cannabis c’est mieux, mais il faut apporter une part d’écologie dedans.
A quel moment as-tu pensé à mettre la blockchain au service du marché?
Je suis au SPC depuis des années, et j’ai assisté au blocage de toute la réglementation à cause d’une problématique de falsification des analyses. Connaissant cette technologie, je me suis dit qu’on peut prendre les analyses et les mettre sur la blockchain publique. En informatisant le document, on peut avoir un numéro d’identification permettant de démontrer qu’il est infalsifiable. Voici le schéma: on a un lot de 100 kilos CBD qui peut partir partout en petites quantités. Pour savoir où sont partis les produits, on va faire une traçabilité avec la blockchain. Ça permet de prouver que tel produit fait bien partie de tel lot. On peut savoir d’où il vient et par où il est passé. Le concept peut être mis en place depuis la graine jusqu’au packaging final.
Supposons que je doive planter des graines de la norme européenne, mais que je les mélange avec d’autres qui n’en font pas partie. Ensuite je fais croire que mes graines sont toutes les mêmes. Comment être sûr que je n’ai pas triché?
La confiance n’exclut pas le contrôle. Quand vous achetez les semences, vous avez un certificat que l’on va mettre sur la blockchain. On sait déjà combien de semences contient un sac, on connaît leur taux d’enracinement, et on peut aussi prévoir la croissance et la floraison. S’il ya trop de différences dans les analyses des plantes, ça va se savoir. Toutes ces informations peuvent être vérifiées et authentifiées au fur et à mesure.
D’un côté, ça nous donne un outil de contrôle, et d’un autre, ça nous permet de sécuriser l’agriculteur. De plus, les autorités ne sont plus obligées de faire des descentes parce que cela leur offre une meilleure visibilité du produit. Tout le parcours génétique est vérifiable jusqu’au produit final en flashant le produit. C’est la première brique logicielle que nous avons mise en place l’année dernière avec le syndicat.
Ensuite, petit à petit, nous avons mis deux autres modules en place. Il y en a un que nous sommes les premiers à faire en Europe. Il s’agit de la BaaS ou Blockchain as a service, un disque dur dans le cloud où on peut mettre des infos, validées par la blockchain avec un certificat. Ça peut être par exemple des infos liées à la recherche. Le drive permet d’horodater ces infos et aussi de faire des transferts pour partager une analyse, un projet industriel, etc. Enfin, nous avons aussi un outil qui s’adapte à toutes les réglementations, qu’elles soient françaises, espagnoles ou suisses, etc. Et même si les réglementations changent, on peut réadapter le système. L’idée, c’est de pouvoir faire avancer la cause en montrant patte blanche, de s’adapter et d’être suffisamment agile pour avancer rapidement.
Comment garantir qu’après une analyse, un organisme transmette les bonnes informations?
On peut considérer la blockchain comme une révolution dans la logique organisationnelle. Aujourd’hui, nous sommes organisés en silos blocs par blocs. Il suffit d’un bloc véreux pour nous empêcher d’avancer. Grâce à la blockchain, l’organisation est décentralisée, et basée sur un système de smart contrats. A la base, ce type de contrat a été mis en place pour générer des contrats complexes pour les assureurs. Un certain nombre d’informations est nécessaire pour générer un smart contrat, et si l’une d’elle n’est pas bonne, il est impossible à créer. C’est un système avec multi points de contrôle, avec lequel on ne peut pas tricher car les infos sont liées à la chaîne.
Nous avons pensé à tout avec le maximum de bienveillance possible. Par exemple, le chanvre peut apporter une réponse aux problèmes d’hyperinflation, d’alimentation, de dépollution des sols,… Bref, nous ne le faisons pas que pour nous, mais pour tout le monde.
Aujourd’hui comment fonctionne la traçabilité via la blockchain?
Nous avons monté une intersyndicale avec les quatre plus gros syndicats liés au cannabis en France. Actuellement nous sommes au stade de la discussion pour savoir comment mettre cette solution en place. C’est le fruit de 3 ans de travail avec 10 développeurs sur blockchain. Nous allons le mettre à disposition de toutes les associations pour les aider à avancer.
Cette intersyndicale fait aussi un peu partie de la structuration de la filière, et permet entre autres de mettre en place un label d’excellence. Par ailleurs, il va falloir remettre le savoir-faire à la française au goût du jour. Nous avons un terroir d’excellence, des bonnes pratiques, des compétences exceptionnelles, des agriculteurs passionnés. Sans oublier le côté thérapeutique où les personnes essaient plus de se soulager avec le cannabis qu’avec les médicaments. Mais ça n’a pas de sens de dire aux gens qu’un produit peut les soulager sans leur donner une visibilité sur ce qu’on leur fournit. Une grande partie des produits sont nettoyés avec des tas de produits pour faire baisser le taux de THC. Ensuite ils sont revendus à 400 euros, sauf qu’ils sont blindés de pesticides, de métaux lourds, de solvants, etc. Si le client a envie d’acheter, il a le droit de savoir comment est fait son produit. Le plus important c’est la transparence!
Petit à petit, nous allons aussi mettre des standards de qualité en place. Il faut pouvoir maîtriser la chaîne QHSE. Nous ne sommes pas forcément dans les standards établis, mais nous sommes parfaitement QHSE. Nous pouvons maîtriser l’intégralité de la chaîne de production tout en branchant des devices à notre système. En effet, nous avons des outils de contrôle supplémentaires, par exemple pour savoir s’il y a une rupture dans l’acheminement de la chaîne de froid. Nous n’allons pas nous arrêter à l’analyse des cannabinoïdes. Notre objectif est de mettre une multitude d’informations sur la blockchain.
Est-ce que la blockchain marche? Avez-vous des clients?

Nous avons lancé les trois modules en BaaS. Vous avez désormais accès à des plateformes sur lesquelles vous pouvez vous connecter. C’est un système d’abonnement en fonction de votre consommation. Pour l’heure, ce n’est accessible que pour les professionnels du secteur du CBD: producteurs, agriculteurs, laboratoires, industriels, revendeurs.
Plusieurs professionnels sont déjà dessus. A partir de là, ils peuvent donner de la traçabilité à leurs clients. Il y a un QR code sur le produit fini, qu’ils peuvent flasher pour avoir accès à toute la traçabilité: site de production, certification Ecocert, description du produit, … L’année dernière, les coûts n’étaient pas anodins. Mais cette année, nous avons fait des efforts pour réduire les tarifs. Par exemple, le drive Cannatracking pour stocker les infos comme un cloud classique, c’est un terrain à l’année pour 49 euros par mois.
Quelle est ta vision sur le marché du CBD en termes d’évolution et de structuration, à moyen et à court terme?
Nous avons clairement besoin de structurer la filière du CBD, en regardant du côté du marché du THC pour connaître les tendances. Ensuite, il faut faire attention à l’hyperproduction, car si les prix chutent, on a beaucoup à perdre, compte tenu des investissements qui ont été faits derrière.
Côté réglementations, il faudrait que l’on puisse évoluer et enfin utiliser toutes les parties de la plante. Il faut penser à la filière de manière globale et qualitative. Plus on apportera de la transparence, plus on pourra mettre l’expertise française au goût du jour. Aujourd’hui, nous avons plein de solutions à apporter, mais nous avons besoin de plus de réglementations. C’est pourquoi nous avons apporté ces briques logicielles pour répondre à toutes ces problématiques.
Comment vois-tu le marché du THC?
C’est un marché qui va arriver. Comme le THC joue sur le SEC, il est aussi important qu’on puisse aider les Français à se protéger et à se soulager. Ça peut soulager une sclérose en plaque, un cancer, d’autres pathologies. On peut apporter des solutions qu’on maîtrise pour faire face à l’inflation de l’acheminement des médicaments. Et puis finalement, le cannabis n’est pas plus dangereux que la cacahuète. Il donne du boulot à nos agriculteurs, réhabilite les sols et crée des emplois dans les filières comme le textile ou l’isolation. Alors oui je suis pro THC.
Le mot de la fin
Nous avons toutes les solutions en main, et nous pouvons changer les choses. Je me suis battu avec mes petits moyens, mais on peut tous apporter notre pièce à l’édifice. Nous vivons des temps difficiles mais il y a un soleil énorme, et c’est la mise en avant de cette filière qui a besoin de reconnaissance. Il y en a marre des gens qui travaillent dans l’illégalité depuis X temps. Maintenant, on a aussi besoin de transparence. Parlons Canna revient chaque semaine avec un nouvel épisode où les acteurs et militants du cannabis s’expriment sur le podcast. Découvrez leur vision et leurs convictions sur le Parlons Canna.